La colère : c’est pas bien ?
Spontanément, la colère est perçue comme une émotion négative qu’il faudrait faire disparaître car elle est « mauvaise. » Mais avant de parler des problèmes qu’elle suscite, il faut d’abord bien admettre que si elle ne servait à rien, l’évolution l’aurait ôté de notre répertoire émotionnel.
On peut donc lui retenir deux bénéfices : la protection et l’affirmation (les limites posées à l’autre.) Malheureusement, pour des raisons culturelles, la colère est comprise comme de l’impolitesse - et interdit du même coup une expression de soi – tout en étant comprise comme un « trait de caractère virile » - ce qui est en fait bien plus une affaire d’immaturité émotionnelle.
Examinons la colère à travers quatre types :
Impulsive : cette colère s’exprimera souvent après l’accumulation d’émotions non exprimées ou de vécus non dits. Fréquemment, les émotions n’ont pas été encouragées à l’enfance (la tristesse est définie comme « de la comédie » et la colère comme « un caprice » ou « une agression. ») L’enfant n’a pas les moyens de faire l’expérience de ce qu’il ressent et plus grand, les émotions auront tendance à s’exprimer trop tard, sous forme de colère, avec le sentiment de ne pas être compris, alors que rien n'aura été exprimé avant. N’avons-nous pas connu une personne qui, lorsqu’elle est heureuse, montre d’abord son pessimisme. Ou une autre, lorsqu’elle est triste, tente de trouver un problème sans rapport avec la situation afin de se défouler sur « des coupables. » ?
Renfermée (passive agressive) : par peur de créer des conflits et d’être ainsi rejeté, certaines personnes préfèrent se soumettre et ne pas exprimer leur colère lorsqu’elle serait nécessaire, et par là, préfèrent ne pas s’affirmer. Du coup, elle sera retranscrite de manière passive-agressive, c’est à dire indirectement, par des attitudes fermées ou des actions cachées en forme de vengeance. Souvent, la personne obtiendra ce qu’elle veut par le biais de petites manipulations. Mais cette sourde colère finit par être destructrice en amputant les relations de l’expression de notre désaccord et en l’imposant à l’autre sans qu’il en prenne connaissance, la qualité relationnelle se dégrade inévitablement. On peut penser à ces couples qui ne se parlent plus et construisent une relation marquée par une compétition camouflée. Ou a ces personnes qui, tout en souriant, vous disent des horreurs gentiment.
Auto-destructrice : très souvent liée à un traumatisme, l’effroi du drame a été intégré en soi et, d’une certaine manière, finit par faire parti de soi. Alors, l’abus dont on aura été victime sera sans cesse répété à travers différentes formes de destruction tournées contre soi ou les autres, comportements compulsifs (alcool, drogue, sexualité), scarifications ou autopunitions divers, prises de risques etc... autant d'expressions d'une colère extrême qui permettent à la fois de se faire du mal, mais aussi d’avoir la sensation d’être en vie (en savoir plus ici.)
Tyrannique : Cette forme de colère peut-être en lien avec la colère vu ci-dessus (auto-destructrice) car elle permet de reprendre le contrôle sur l’autre de manière aussi outrancière que la sévérité du trauma.
Mais la colère tyrannique peut évidement ne rien à voir avec un traumatisme mais bien plus un déficit concernant la notion de frustration et de principe de réalité. Bizarrement, lorsqu’elle est reliée à cela, elle est presque jugée anodine tant elle est masquée sous les étiquettes d’« affirmation de soi », de « fort tempérament » voir de « personnalité entière. » Et c’est de cette manière que la colère s’est infusée dans notre culture individualiste, elle est une manière de combattre et de survivre, d’aucun appelle cela « sélection naturelle », sans vraiment comprendre la biologie de l’évolution… Du coup, dans une société où l’on définit l’individu d’après ce qu’il possède, la satisfaction immédiate et la toute puissance prennent une place inédite et sont les axes majeurs d’une souffrance sociale qui s’ignore en ce qu’elle est aveuglée par ses idéaux et les modèles qu’elle défend. On ne peut ainsi pas s’étonner que dans une telle culture, le harcèlement, la perversion et la manipulation soient des sujets de plus en plus récurrents dans les consultations.
Privation : Nous avons vu comme un type de colère lié au besoin de satisfaction immédiate est encouragée. Mais, d’un autre côté, au regard d’une culture qui génère de plus en plus de frustrations par l’impossibilité de réaliser les illusions consuméristes qu’elle impose, certains d’entre nous ne peuvent accéder à cet idéal et l’émotion qui s’exprime naturellement est... la colère. Et il faut bien rajouter que l’écart dans les classes sociales est de plus en plus flagrant, comment ne pas comprendre que la colère sociale éclate dans ces conditions ? Néanmoins, autant cette émotion est légitime en ce qu’elle représente l’insoumission à l’injustice, autant elle peut devenir addictive dans l’effet neurophysiologique qu’elle produit, enfermant ainsi le révolté à une place de victime qu’il préserve par son pessimisme, parfois malgré lui. Cela peut expliquer en partie la progression des violences.
Pour conclure (calmement)
On peut donc séparer la colère en deux causes : le manque, qui est en lien avec l’histoire personnelle, notamment l’interdiction d’exprimer les émotions correctement, et l’incapacité à la frustration, qui fait écho à notre situation sociale (consumérisme et culte de l’individu.) Il y a aussi celle que l’on garde en soi, et celle que l’on expulse contre les autres (ou contre soi.)
Enfin, on l’a compris, la colère est un signe de vulnérabilité en ce qu’elle est envahissante, autodestructrice, inefficace et oblige à s’y soumettre. Finalement, elle est aussi handicapante que l’anxiété ou la tristesse (dépression.) Pourtant, on ne consulte que rarement un psy- pour cela…
Voici quelques questions qui peuvent vous permettre d’évaluer l’incidence que peut avoir la colère dans votre quotidien :
N'HESITEZ PAS A VOUS ABONNER
BERTRAND WEBER
CABINET DE PSYCHOTHERAPIE
CHALON-SUR-SAÔNE